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Article paru dans L'Essor Sarladais en décembre 2011

“ Etre saisonnier toute l’année semble difficile ”

Une étude sur les salariés saisonniers du sud de la Dordogne a été effectuée pour la Maison de l’emploi du Périgord Noir

Les élus présents lors de la publication de l’étude, aux Eyzies, début novembre. Marie-Pierre Valette (MdEPN), Renaud Lagrave (conseil régional), Jean-Luc Bousquet (Umih) et Yves Eveno (CFDT)

Les élus présents lors de la publication de l’étude, aux Eyzies, début novembre. Marie-Pierre Valette (MdEPN), Renaud Lagrave (conseil régional), Jean-Luc Bousquet (Umih) et Yves Eveno (CFDT)

Le Périgord : sa tradition gastronomique, ses paysages splendides... Et ses travailleurs saisonniers qui, souvent dans l’ombre, s’emploient à maintenir l’image de marque. Dans la viticulture, le tabac, dans les industries agroalimentaires, dans les grottes et les parcs d’attraction, dans les campings, les hôtels et les restaurants... Recruter des saisonniers est un geste essentiel pour les employeurs du sud de la Dordogne. Et pourtant, il y avait peu de statistiques et d’informations fiables concernant cette partie de la population. Les Maisons de l’emploi (MDE) du Périgord Noir (Sarlat, Terrasson) et du sud Dordogne (Bergerac) ont voulu y remédier. Dernièrement, au Pôle international de la préhistoire, aux Eyzies-de-Tayac-Sireuil, ils ont rendu publique l’étude réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

 

Le titre de l’étude n’est guère optimiste : “ Saisonniers dans le sud de la Dordogne, une professionnalisation difficile ”. Les responsables des MDE souhaiteraient que les saisonniers bénéficient d’emplois tout au long de l’année, avec des revenus réguliers. Cette enquête montre qu’il reste encore bien du chemin pour y parvenir. Les données utilisées ne sont pas récentes : elles datent de 2007. Néanmoins, elles illustrent la précarité* des travailleurs saisonniers dans les domaines agricole et touristique.

 

Mal rémunérés.

Dans le Bergeracois et le Sarladais, en 2007, le travail saisonnier c’était 8 700 salariés, employés par 1 300 entreprises. “ En majorité des résidents locaux peu qualifiés ”, précise l’étude. Mais il s’agit aussi souvent de personnes diplômées, parfois de l’enseignement supérieur, qui ne trouvent pas de travail dans leur champ de compétence et de qualification. Elles peuvent alors décider de se tourner vers le travail saisonnier. Il leur faut alors ôter de leurs CV les expériences et les diplômes que les employeurs pourraient juger négativement, parce que trop élevés par rapport à la qualification exigée pour l’emploi saisonnier.

 

Dans le sud de la Dordogne, territoire comptant 180 000 habitants, un contrat sur dix est saisonnier. L’étude précise que 53 % des saisonniers sont des femmes, et que 50 % ont moins de vingt-cinq ans. Ces emplois durent souvent moins de deux mois, surtout dans la période entre Pâques et la Toussaint. Seuls un millier de personnes sont salariés sur une durée de plus de quatre mois. Ils sont souvent un peu plus âgés et travaillent notamment dans le tourisme ou dans des groupements d’employeurs agricoles. “ En moyenne, un saisonnier travaille 45 jours par an sous cette forme, qui n’exclut pas d’autres modes d’activités complémentaires, en particulier l’intérim ”, poursuit l’étude.

 

L’activité saisonnière est aussi moins rémunératrice. Le salaire horaire net moyen des emplois saisonniers est de 8 euros. “ Bien que supérieur au Smic**, il reste en deçà de la rémunération des emplois sur les mêmes activités, qui est de 9 euros, précise l’étude. Les emplois dans le secteur des industries alimentaires sont les moins bien rémunérés. ” Mais l’étude n’évoque pas la question du paiement dissimulé (le travail au au noir), qui est pourtant une pratique courante dans l’économie.

 

La chargée d’étude de l’Insee de conclure en expliquant que “ l’avantage de ces emplois est qu’ils sont non délocalisables ”. Il sera certes difficile d’envoyer le château de Beynac en Chine...

 

Cette étude intéresse tout particulièrement l’espace saisonnier des maisons de l’emploi. Ce dernier est présidé par le responsable régional du syndicat CFDT, Yves Eveno, et par un représentant des employeurs, membre de l’Umih, l’hôtellier des Eyzies Jean-Luc Bousquet. A la MDE du Périgord Noir, ont été dernièrement mis en place un guide de compétences professionnelles, une fiche horaire et un guide intitulé Bien vivre mes saisons. Tout ceci dans le but d’améliorer le dialogue social.

G. Boyer

* Le contrat saisonnier ne permet pourtant pas le versement d’une prime de précarité, comme c’est le cas dans le contrat à durée déterminée.

** Le salaire minimum de croissance (Smic) est le salaire horaire en dessous duquel il est interdit de rémunérer un salarié.

Le directeur de l’Insee Aquitaine Jean-Michel Quellec (à droite), aux côtés des chargées de l’étude, Bernadette de La Rochère et Florence Mathio. A gauche, Rébécca Dain, de la Maison de l'emploi du Périgord Noir

Le directeur de l’Insee Aquitaine Jean-Michel Quellec (à droite), aux côtés des chargées de l’étude, Bernadette de La Rochère et Florence Mathio. A gauche, Rébécca Dain, de la Maison de l'emploi du Périgord Noir

Un outil pour les politiques et les employeurs

Le sud de la Dordogne, regroupant essentiellement les arrondissements de Bergerac et de Sarlat, était relativement pauvre en informations statistiques concernant les travailleurs saisonniers. Ces emplois précaires occupent pourtant une place prédominante dans deux secteurs phares de l’économie locale : le tourisme et l’agriculture. “ L’étude doit aider les pouvoirs publics à mieux connaître le terrain ”, considère Renaud Lagrave, vice-président de la région Aquitaine chargé du tourisme.

Les deux Maisons de l’emploi (MDE) du secteur se sont donc tournées vers l’Insee et lui ont commandé une étude sur le travail saisonnier. L’Insee explique que “ l’un des objectifs est de favoriser l’adéquation entre les attentes des chefs d’entreprise et les parcours professionnels des saisonniers, sécurisant un plus grand nombre de salariés grâce à la pluriactivité, dans un contexte de mutations économiques fortes.

” Selon l’étude, “ les saisonniers et les employeurs recherchent une stabilité de l’emploi avec la reconduction des contrats d’une année à l’autre ”. 45 % des saisonniers interrogés ont travaillé en 2008 et 2009 chez le même employeur, selon une autre étude des MDE.

Le recrutement s’effectue le plus souvent suite à une candidature spontanée. Un quart des saisonniers déclarent des difficultés à se rendre sur leur lieu de travail, souvent à cause de l’absence de permis de conduire, ou de véhicule. Toujours selon cette étude des MDE, en 2009, six saisonniers sur dix ont travaillé moins de quatre mois à temps plein, et nombreux sont ceux inscrits à Pôle emploi une bonne partie du reste de l’année. Cette étude ajoute que les droits à la formation seraient le plus souvent ignorés par les employeurs.

G. Boyer

18 000 contrats d’intérim

L’étude de l’Insee pour la Maison de l’emploi ne concerne pas le travail intérimaire. Le recours à cette forme d’emploi a fortement augmenté depuis les années 80. Il signifie souplesse pour l’employeur, qui peut ajuster son besoin en main-d’œuvre quasiment au jour le jour. Mais il augmente la précarité de l’emploi et s’avère à ce titre dénoncé par les syndicats.

En 2010, environ 18 000 missions d’intérim ont été enregistrées dans le sud de la Dordogne (Bergerac, Sarlat, Terrasson). C’est presque deux fois plus que le nombre de contrats saisonniers.

De nombreux travailleurs occupent alternativement un emploi saisonnier l’été avant d’être embauchés dans des usines agroalimentaires à l’automne. Mais cette année le nombre d’intérimaires recrutés pourrait avoir diminué.

GB

Faire respecter le droit du travail

“ Les employeurs ont du mal à trouver des salariés saisonniers : pas étonnant vu les conditions de travail, les salaires proposés et les prix des loyers. ” A l’Union locale CGT de Sarlat, on connait bien les problèmes des travailleurs saisonniers. Chaque jeudi après-midi, lors des permanences,la plupart de ceux qui viennent voir sont issus de ce secteur professionnel. La solution préconisée par le syndicat s’avère simple : “ Il faut faire respecter le droit du travail ”.

Selon les syndicalistes CGT rencontrés, l’initiative de la Maison de l’emploi du Périgord Noir, notamment la Charte de l’emploi saisonnier, est une opération de communication : “ de la poudre aux yeux ”. “ Certains salariés ont des contrats de six mois et, au bout de trois mois, on leur dit : au revoir ! ”, explique l’un. De même, les litiges liés aux heures supplémentaires sont monnaie courante. Jean-Luc Laval, syndicaliste CGT chez Porgès et conseiller aux prud’hommes, donne quelques conseils : “ le plus important, pour le saisonnier, c’est de relever ses heures chaque jour. ”

Les problèmes des bulletins de salaire inexistants, ou mal présentés, reviennent régulièrement. Le paiement au noir est aussi un fléau bien connu. Dans ce cadre, la CGT demande aux salariés de prendre leurs responsabilités, en refusant ce mode de rémunération. La plupart du temps, c’est la peur de se retrouver au chômage et sans revenus qui force les salariés à accepter des conditions illégales. Voilà pourquoi la CGT revendique aussi une sécurité sociale professionnelle, qui permette à chacun de maintenir des revenus dignes même lors des périodes sans emploi.

Tout comme FO et la CFDT, la CGT propose une brochure rappelant aux saisonniers leurs droits.

GB

Et aussi...

De plus en plus de chômage. Dans le sud de la Dordogne, le taux de chômage est plus élevé que dans l’ensemble de l’Aquitaine, particulièrement autour de Terrasson et de Bergerac. En octobre, le taux de chômage départemental a augmenté de 6,6 %. Une hausse qui devrait se poursuivre dans les prochains mois.

Jean-Fred Droin est conseiller général PS et président du comité départemental du tourisme. “ La situation s’est améliorée pour les salariés saisonniers, mais il reste toujours des problèmes. Certains travaillent sans contrats ; des employeurs ne respectent par les horaires de travail. ”

Tag(s) : #Retour sur l'info, #Tourisme, #économie, #Sarlat-La Canéda, #dordogne, #Périgord Noir, #Réflexion
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