Le recul et la distance

« Le recul et la distance : par la grâce des satellites de télécommunication, les sons et les images peuvent désormais nous parvenir au moment même où ils sont recueillis, en direct, live, comme précisent fièrement, chaque fois qu'elles le peuvent, les chaînes de télévision qui croient trop souvent qu'informer c'est montrer. Cette rapidité, cette quasi instantanéité ligotent alors le journaliste contraint de commenter immédiatement, sans pouvoir prendre le recul nécessaire pour évaluer, décrypter, peser l'événement. Il ne peut pas y avoir de live dans un journal. L'envoyé spécial d'un quotidien ou d'un « news » doit toujours, lui, mettre ses notes en ordre, classer ses idées et s'efforcer, en fonction des autres informations dont il a eu connaissance, des témoignages qu'il a recueillis, de sa propre culture, de dégager la portée exacte de ce que s'est passé avant de rédiger son « papier » en trouvant les mots justes, ce qui n'est pas le plus facile, et en s'efforçant sinon d'être objectif, du moins d'être honnête. Si cette démarche n'écarte pas le risque d'une erreur d'appréciation, elle le réduit."

Daniel Junqua,

La presse, le citoyen et l'argent, Folio Actuel, 2002