Guesde Pétain Taubira (tiercé dans le désordre)

8 novembre 2018

Alors qu’on nous explique que Petain a été un bon soldat, voici un extrait d’un discours plein de bon sens de Guesde sur un autre officier, Dreyfus, qu’il a écrit pour justifier son attitude au moment de l’affaire. Il date de 1900.

« Il y a, disait-on, - et on l'a dit et écrit, non pas une fois, mais cent, non pas cent fois, mais mille, - il y a une victime particulière qui a droit à une campagne spéciale et à une délivrance isolée ; cette victime-là, c'est un des membres de la classe dirigeante, c'est un capitaine d'état-major - c'est l'homme qui, en pleine jeunesse, fort d'une richesse produit du vol opéré sur les ouvriers exploités par sa famille et libre de devenir un homme utile, libre de faire servir la science qu'il doit à ses millions au bénéfice de l'humanité, a choisi ce qu'il appelle la carrière militaire. Il s'est dit : “ Le développement intellectuel que j'ai reçu, les connaissances multiples que j ai incarnées, je vais les employer à l'égorgement de mes semblables. ” Elle était bien intéressante, cette victime-là. (Vifs applaudissements.)

Ah ! je comprends bien que vous, les ouvriers, vous, les paysans, que l'on arrache à l'atelier, que l'on arrache à la charrue, pour leur mettre un uniforme sur le dos, pour leur mettre un fusil entre les mains, sous prétexte de patrie à défendre, vous ayez le droit et le devoir de crier vers nous, vers le prolétariat organisé, lorsque vous êtes frappés par cette épouvantable justice militaire, parce que vous n'êtes pas à la caserne de par votre volonté - parce que vous n'avez jamais accepté ni les règlements, ni l'organisation, ni la prétendue justice militaire que vous subissez ; mais lui, il savait ce qu'il avait devant lui lorsqu'il a choisi le métier des armes ; c'est de propos délibéré qu'il s'est engagé dans cette voie, partisan des conseils de guerre tant qu'il a cru qu'ils ne frappaient que les prolétaires et que c'est lui, dirigeant, officier, qui mettrait contre eux en mouvement cette justice aveugle et à huis clos. Telle était la victime pour laquelle on avait osé la prétention de mobiliser tout l'effort prolétarien et socialiste... »

Additif : « Alfred Dreyfus est le benjamin des neuf enfants de Raphaël Dreyfus[4], industriel, et de Jeannette Libmann-Weill. Né en Alsace et de religion juive, il passe son enfance dans la maison familiale rue du Sauvage à Mulhouse. » wikipedia

Polémique :

- Il n'empêche que sur ce coup-là, Guesde avait tort !

- Why ?

- Parce que le rôle des révolutionnaires c'est de défendre les libertés démocratiques et tous ceux qui sont discriminés en raison de leur origine ethnique et/ou religieuse, indépendamment de leur idéologie personnelle. Taubira n'est pas une amie du prolétariat révolutionnaire, il n'empêche que quand elle a été insultée par une manifestatante d'extrême-droite qui l'a traitée de guenon, il fallait être vent debout derrière elle.

- Il dit qu'il l'a fait, mais en s'en tenant au terrain de classe. Je n'ai pas en tête tous les arguments de cette querelle, mais j'avoue que rétrospectivement, son argumentation prend plus de poids. Quand on voit ce qu'il s'est passé ensuite, avec Millerand et les socialistes au gouvernement qui ont suivi…

- Oui mais Guesde lui-même sera ensuite ministre du gouvernement d'union sacrée et à ce titre co-responsable de la première boucherie mondiale !

- Oui, mais cela obère-t-il les bonnes choses qu'il a faites pendant presque toute sa vie politique ? Doit-on jeter Plékhanov aussi ?

- Non bien sûr, ces deux personnalités ont contribué à la diffusion du marxisme, de même que le "renégat" Kautsky d'ailleurs et c'est un très grand mérite. Leurs errances postérieures doivent être condamnées sans faire oublier leurs mérites passées.

Jules Guesde, un marxiste français

Il fut un socialiste, puis un communiste de la première heure. Une biographie de Jean-Numa Ducange corrige la vision unilatérale d'un Guesde sectaire et borné.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2017/05/04/jules-guesde-un-marxiste-francais_5122042_3260.html