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Les Lois de la Manifestation, 5e partie. Le livre est disponible à la vente ici.

 

 

À partir d’ici, le lecteur pressé de connaître le déroulement de l’histoire peut passer au chapitre d’après, car ce dialogue est essentiellement d’ordre philosophique.

« Je vais vous proposer une hypothèse, explique Grange. L'homme n'est pas un empire dans un empire, comme écrit Spinoza. L'homme est une partie de la nature indivisible et unique. Il est soumis aux mêmes lois physiques et biologiques que toutes les autres parties de cette nature. La polémique monothéisme/polythéisme est une controverse équivalente à celle entre les partisans de l'univers et ceux du multivers, à notre époque, Grange parle vite, agitant les mains, les bras. La question sérieuse pour les croyants n'est donc pas « Dieu anthropomorphe » ou « dieu inconnaissable et inqualifiable selon les catégories attribuées aux humains », mais entre « une substance unique » ou « des substances coexistant les unes à côté des autres », lesquelles ne seraient pas soumises aux mêmes lois.

 

- C’est très intéressant, Monsieur Grange. Cela rejoint les interrogations des soufies dont l’islam comorien est une branche.

 

- Pour un partisan du monothéisme ou de la substance unique - qu'il soit athée ou croyant en un Dieu anthropomorphe ou non, croire que nous sommes libres d'avoir telle ou telle idée à tel ou tel moment est une vue de l'esprit. En effet, chaque idée, chaque phénomène, chaque mouvement matériel ou de pensée a une cause, laquelle a également une cause et ainsi de suite à l'infini, sous la direction des lois physiques et biologiques. Tout existe et arrive pour une raison précise. Rien n'est là par hasard.

 

- Tout à fait. J’ajouterai que, par conséquent, toutes les sociétés humaines sont légitimes à exister, mais également toutes se battent pour s'approprier le maximum d'énergie, de calories. Mais je ne parle pas de ces questions apparemment abstraites dans mes livres, car j’en vendrais encore moins, et ce n’est pas mon objectif.

 

- Vendre ses livres, c’est important. Certains sont doués, d’autres moins. Le matériel et le spirituel ne sont pas des choses différentes, mais deux manières d'aborder la même nature, laquelle est composée d'une infinité d'éléments qui ne nous sont pas connus. Le XXe siècle a permis quelques avancées de nos connaissances en chimie ou physique notamment, mais nous sommes loin d'avoir encore compris tout le fonctionnement de la nature.

 

- Selon moi, être libre ne signifie pas avoir le pouvoir de décider de faire une chose ou une autre, réagit Guerrier en brassant l’air avec ses mains. Etre libre, pour un individu, passe par étudier et connaitre les lois qui régissent le monde matériel, les sciences dures, et le monde social, sciences humaines et économiques.

 

- C’est d’autant plus le cas que l’évolution du niveau de développement des capacités de production et des outils humains va de pair avec une augmentation du niveau intellectuel de l'humanité, ce qui se traduit par une capacité accrue à agir dans le monde matériel et spirituel.

 

- Ceci dit, nous ne connaissons encore qu'une infime partie de la nature, tempère Guerrier en souriant.

 

- Pour qui a dans son esprit les idées d'améliorer le sort de l'humanité souffrante, il ne faudrait pas oublier cet enchaînement des causes et des effets à l'infini. En effet, sinon, on se méprend sur ce que signifie la volonté. La volonté n’est pas de décider de faire telle ou telle chose, mais de connaître les contraintes déterminant nos actions, dans le but que notre esprit soit le plus possible en harmonie avec les actions que notre corps doit accomplir pour se maintenir dans l'existence. Cette harmonie préfigure le bonheur, lequel est une augmentation de notre capacité.

 

- Et d’ailleurs, vous reconnaîtrez certainement que ce dont a besoin le monde, pour continuer, c'est de personnes heureuses, c’est-à-dire vivant en adéquation avec leur milieu ?

 

- Or qui agit d'une manière volontariste, sans prendre en compte son milieu, certes est mu par la nature à agir ainsi, mais se condamne à l'enfer du malheur et des échecs, car il n'aura pas mis en adéquation sa puissance réelle et son milieu. Beaucoup de gens sont malheureux ainsi. Chaque partie de la nature persévère dans l'existence en s'appropriant des parties plus faibles : c'est la recherche énergétique, la lutte pour la calorie. Ces parties-ci, qu'elles soient organiques ou minérales, vont connaitre dès lors une diminution de leur puissance, elles vont servir de réservoirs à calories. Chez les humains, les sentiments accompagnant ces diminutions de puissance sont appelés « la tristesse », « l'angoisse », « la haine », etc. La mort est la privation totale de puissance sous le coup des lois physiques et biologiques, « naturellement » ou de manière violente.

 

- La question de l'existence ou non d'un grand livre dans lequel tout serait écrit n'a guère d'importance, car l'homme n'y aura jamais accès, avance le fonctionnaire mahorais. La nature, Dieu, pense en nous, elle/il nous a donné le verbe pour que nous soyons les vecteurs des extraits de ce grand livre. La nature nous enjoint à l'amour pour assurer la continuité de la vie, même si l'amour ne peut exister sans prédation sur l'environnement, ce qui donne les guerres, les violences, la destruction des milieux naturels.

 

- L'effectif de l’humanité a grandement augmenté, de plusieurs milliards d'individus, ces dernières décennies, dit Grange. Il est donc normal et légitime que son empreinte sur la planète s'élève également. Le monde a toujours su s'adapter, il s'adaptera demain, il n'y aura pas de cataclysme…

 

- Certes, mais tout de même, des millions de gens souffriront si les humains ne sont pas capables de mettre en place une organisation sociale et politique planifiée et moins centrée sur les profits, notamment capitalistes.

 

- Plus d'humains, plus d'enfants, des gens vivant plus vieux, en meilleure santé, plus éduqués, cela signifie énormément d'amour en plus dans le monde, même si évidemment cela passe également par des maux innombrables pour les parties les plus faibles de l'humanité et de la nature, lesquelles sont soumises à des pressions terribles, voire victimes dans la guerre pour l'appropriation énergétique et la recherche de la calorie sous toutes ses formes, estime Grange. Tant qu'il existera non pas une communauté humaine unique, mais des communautés, c’est-à-dire des lignées d'individus rattachés par des liens familiaux génétiques - poursuivant l'existence et la transmission de caractéristiques physiques et spirituelles, cristallisés en nations, Etats Nations, classes sociales..., il y aura une lutte pour l'appropriation énergétique, calories alimentaires ou pétrolières, gazières, nucléaires, sous forme argent, sous forme de territoires pouvant produire des calories, etc.

 

- Certes, et la politique doit avoir pour but de domestiquer/pacifier la lutte entre communautés pour la calorie. L'humanité a largement de quoi produire le nombre de calories nécessaires pour que chacun mange, se soigne, s'habille, s'amuse, s'éduque. Cela se fait au détriment des parties végétales et animales de notre planète. Il faut trouver une solution pour ne pas trop dégrader la planète, sous peine d'être privés de l'apport en calories, à terme.

 

- Et selon vous, peut-on parvenir à faire de l'humanité une communauté unique ? demande Pascal Grange, affaissé contre la portière.

 

- C'est en cours avec la facilité de voyager, de se rencontrer, on a des moyens de transports plus puissants et moins onéreux, d'échanger, de communiquer, les nouvelles technologies, qui a grandi depuis quelques décennies. Les obstacles à cette grande communauté sont principalement les classes dominantes héritées des sociétés agricoles et capitalistes, lesquelles justifient et consolident leur existence par une prédation générale et inutile pour l'humanité dans son ensemble. Il faut que le peuple arrache à ces groupes leur domination politique.

 

- Encore une remarque. Selon vous, comment les athées, qui se prétendent intellectuellement supérieurs aux « croyants », peuvent-ils faire l’erreur de croire que les textes sacrés sont à prendre au pied de la lettre, et non comme des images, des paraboles, pour que le peuple saisisse la loi morale ?

 

Guerrier répond par un sourire et un clin d’œil.

Tablettes coraniques, musée de Mayotte

Tablettes coraniques, musée de Mayotte

Tag(s) : #Comores, #Mayotte, #mayotte, #Feuilleton, #Philosophie
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