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Rapportons quelques extraits de Comores : quatre îles entre pirates et planteurs, de Jean Martin.

Un petite contextualisation. Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle : les Comores sont aux prises avec les agressions malgaches qui sèment la désolation. De jeunes Sakalavas, Zana Malattas ou Betsimisarakas intrépides volent le bétail et enlèvent des humains pour les apporter aux îles pratiquant l'esclavage, comme les îles de France et Bourbon (actuelles Maurice et La Réunion).

"Tout au long de cette période, les marins européens firent d'assez fréquentes apparitions à Anjouan, des Français des Mascareignes principalement, qui venaient régler des affaires d'achat d'esclaves avec les sultans".

Mais les princes régnants étaient loin d'être les uniques fournisseurs. Plusieurs capitaines marchands apportaient leur concours aux envahisseurs betsimisaraka qui, à Domoni, à Mohéli ou à Mayotte leur procuraient des chargements de captifs." p.96.

Dans les notes, l'auteur ajoute que "la présence de ces bâtiments négriers français appuyant les expéditions malgaches et recevant une part du butin est attestée par divers auteurs. Froberville écrit : "Il faut le dire à la honte des misérables que réprouve l'Europe, loin de protéger les faibles contre les capitaines négriers secondaient les Madécasses pour avoir des chargements de Noirs à bon compte".

Nous lisons dans Capmartin et Colin : "Il s'est trouvé quelquefois des capitaines européens aux Comores pendant ces temps de calamité et au lieu de défendre leurs infortunés anjouanais dont ils n'avaient qu'à se louer, ils aidèrent souvent de tout leur pouvoir les Madécasses parce que ceux-ci promirent des esclaves en récompense" (p.416).

A la page 96, M. Martin écrit : "Les navires de guerre et les corsaires de Port-Louis évoluaient aussi dans le canal de Mozambique, entravant parfois considérablement les activités commerciales des insulaires. En 1792, le sultan Abdallah se plaignait que deux palles indiennes se rendant à Surate eussent été arraisonnées par un certain Willaumez. Les deux embarcations avaient pu reprendre leur route, mais leur chargement avait été confisqué... [...]".

"Plus grave encore, l'affaire du capitaine Lablache. Vers 1789, l'île de Mayotte s'était rendue indépendante et avait échappé à la suzeraineté du sultan d'Anjouan. Le prince Cheikh Salim entendait rétablir son autorité sur l'île voisine et y lever le tribut.

Il importait d'y faire passer son armée. A cette fin, il s'aboucha avec Joseph Lablache, un armateur de Port-Louis. Aux termes de la convention qui fut signée le 29 septembre 1790, Lablache devait mettre au service du sultan deux navires pourvus d'un armement considérable et montés par cent trente hommes pour toute la durée des opérations de reconquête. Sept cents esclaves devaient constituer sa rétribution." En notes (p.417), il est indiqué leur "qualité", cela fait froid dans le dos : "Ils devaient tous être âgés de moins de 35 ans, 250 beaux Noirs pièces d'Inde, 190 sapores, 130 négrillons, 110 femmes (sans compter les enfants qui pouvaient être avec leur mère)."

"L'affaire était d'importance et pouvait être lucrative, mais elle tourna mal. Deux bâtiments, la Mignonne et la Sultane favorite y prirent part, mais la reconquête de Mayotte sur un ennemi insaisissable s'avéra beaucoup plus difficile qu'il n'y paraissait au premier abord. Les deux représentants de Cheikh Salim, Vendredi et Bamana (c'est bien leurs noms sic, ndlr), ne purent entrer en relations avec Boina Combo (sultan de Mayotte depuis les années 1750, ndlr) qui se trouvait dans le nord de l'île et avec qui ils souhaitaient mener une action commune.

Si bien que l'armateur - qui pourrait avoir été complice du Mahorais - en vint à abandonner la partie en prenant prétexte de la lâcheté des guerriers anjouanais [...]."

Un brave homme, on va le voir, que ce Lablache. Il se rendit à Mohéli pour recevoir sa livraison d'esclaves. Il n'en obtint qu'un petit nombre. "Repassant à Mutsamudu, il parvint à s'emparer par ruse de quelques insulaires, dont un fils de Cheikh Salim - qu'il déporta comme esclaves. Il fit mettre à mort plusieurs agents du sultan et garda le navire Sultane favorite qui avait été acheté pour le compte du sultan d'Anjouan." Lablache ne fut jamais jugé par la colonie française qui se borna à envoyer quelques présents au sultan.

Quelques mois après cet échec à Mayotte, le sultan sollicita "l'aide du navire négrier Marie-Thérèse [...]. Le bâtiment achemina une nouvelle fois l'armée anjouanaise à Mayotte, mais cette expédition fut tout aussi vaine que la précédente." (p.97)

Les Mahorais devaient donc se méfier des razzias malgaches, mais aussi des incursions anjouanaises.

Tag(s) : #Mayotte, #mayotte, #Comores, #Histoire
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