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Sarlat-La Power ép 28

Bastien entend des sirènes de la gendarmerie émises depuis la brigade motorisée à côté de son bâtiment. Toute une file de voitures et de motos filent à toute allure. Curieux, il sort et retourne à sa voiture. Il tente de les suivre, mais il les perd, car les embouteillages sont toujours au rendez-vous : « Je n’ai pas de sirènes, pas encore… ». Il appelle Linda : « Salut Linda, tu as entendu les flics ? Il s’est passé quoi ? Tu sais ?

— Mais tu es où, Joseph ? Rejoins-nous, on est au siège de Plastar, un millier, on occupe le site.

— OK, j’arrive. » Le siège est à l’ouest de Sarlat, dans la forêt, à la Gendonie. Il a toujours la trique. Il faudra vraiment qu’il trouve une femme qui veuille de lui. Peut-être y aura-t-il une occasion dans quelques minutes. Deux chevreuils traversent juste devant lui, alors qu’il est sur la route du Bugue. Il les évite de justesse. Des voitures sont stationnées en bord de route à 500 mètres du siège. Il y a beaucoup, beaucoup de monde. « Ça va chauffer… » Les gendarmes ont monté un barrage au milieu de la route. Il s’arrête. Le capitaine Bruyère, commandant la compagnie de gendarmerie de Sarlat, un grand costaud, s’approche de sa voiture. « Laissez-moi passer, je vais essayer de calmer les choses, je suis délégué syndical de Plastar.

— On vous connaît, monsieur Joseph. Allez-y, mais je compte sur vous pour calmer les choses, car cela va mal finir. Il y a le GIGN qui est là.

— Je ferai au mieux, mon capitaine, mais les patrons doivent y mettre du sien. »

Le siège est constitué de plusieurs bâtiments de plain-pied, unis par une cour centrale. Une charmante pelouse carrée est entourée par des allées de graviers blancs. L’élégante longère en pierres de taille a une toiture de lauzes fraîchement refaite. Sur le toit, des drapeaux CT sont hissés à côté des logos de la société. Des voitures sont garées partout, y compris sur la pelouse. « Les amis, nous devons enfoncer le clou, dit Bastien en sortant de sa Clio. Allons voir les Freunde ! Les différends doivent se régler sur-le-champ. » Il entre d’un pas décidé, entouré d’Hakim, Bouboule, Guy et Gérard. Les comités de défense de la garde sont présents, une centaine de bonshommes, dont certains avec des armes à feu. Roger est là aussi, avec un bonnet fluo de rigueur.

Les deux Freunde, Waimar et Heinze, sont présents, atterrés, entourés d’ouvriers. Les trois secrétaires sont dans un coin, avec les agents de sécurité tout penauds, sous la surveillance des gardes équipés de bâtons. « Passez-leur deux laisses, car les lions peuvent être dangereux », gueule Fabrice, provoquant l’hilarité des présents. Accompagné par d’autres jeunes, Jérôme, habillé d’un survêtement du PSG, arrive avec deux cordes : « On va vous mettre en cage ». Les deux patrons, frêles, sont rapidement attachés au luxueux bureau du patron, un de chaque côté. Bastien monte sur le bureau. Roger apparaît et aboie après les deux Allemands : « Alors, on a parlé de nous en séance de la loge maçonnique, herr Freunde ? Vous allez revoir vos plans ». Tout le monde rigole. Il attrape un bâton peint en rouge sur lequel est inscrit en jaune « CGT UL de Sarlat ». « On sait que ce n’est pas vous qui décidez, mais tonton Igmar. Alors vous allez l’appeler ? On vous lâchera pas, vous êtes nos otages. Qu’est-ce qu’il y a, on a été gentils avec vous pourtant… Pourquoi vous voulez nous quitter ? »

L’idée de placer le siège social de Plastar à Sarlat remonte aux années 1980. C’était destiné à séduire le marché français, suite au rachat de cette usine, précédemment propriété d’un entrepreneur local. Mais l’essentiel des emplois du groupe, plus de 20 000, se trouve en Allemagne. Jérôme met quelques claques à Weimar, surnommé le petit minet. C’est le Mozart de la finance, mais il n’est pas préparé mentalement pour une telle crise.

Debout sur le bureau, Bastien parle aux administratifs et aux patrons : « Le bâtiment est miné. Alors, si vous appelez les poulets, dites-leur que s’ils interviennent, on fait tout sauter. » Il attrape un drapeau CGT et l’agite en tous les sens. « Pour la France, pour la classe ouvrière, pour Sarlat ! » s’écrient les travailleurs.

Bastien redescend et va dans la cuisine, préparer des crêpes.

Tag(s) : #Roman, #Feuilleton
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