Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sarlat-La Power ép 27

« Tu as pas peur qu’il rencarde les flics ? souffle Hakim à l’oreille de Bastien. C’est une belle ordure.

— Au moins, on saura vite, car cela risque de chauffer bientôt. Quand le bovin mugit, les poulets se cachent sous la paille. » Une expression qu’il vient d’inventer. Un vent de folie retourne la ville en ce moment. Entre les féminicides mystérieux et le plan social, on vit une époque de fou où les esprits peuvent accomplir des révolutions en quelques jours.

Le flot des voitures se poursuit, ininterrompu, route de Madrazès. Des centaines de personnes font la queue pour apporter de la nourriture, des couvertures, de l’argent aux grévistes. Des chapiteaux ont été montés dans la cour de l’usine. Ils servent de quartier général. Il y a une ambiance festive, malgré la tension. Des théâtreux gauchos ont donné des spectacles pour tout le monde. Il y a un concert chaque soir ou presque. Les après-midi, un tournoi de football est organisé. Hier, on a fait un barbecue géant, sacrifiant quatre bœufs pour appuyer la victoire du mouvement. Le curé est venu bénir les convives. Symboliquement, on a créé la Commune Libre du sud de Sarlat, qui dispose de son panneau DDE en bonne et due forme, conçu par un cégétiste du service des routes.


 

Partout dans les quartiers ouvriers, devant les supermarchés, devant l’usine, on refait le monde, légèrement inquiets pour la suite. Bastien se sent comme un puits de science. Il a l’impression d’avoir plus appris en quelques jours que pendant toute sa vie. Son idée de manifestation, évoquée d’abord en catimini avec Marie et Linda, a été un succès. Des habitants, des ouvriers viennent le voir pour le consulter. Et pas seulement sur des questions culinaires. Il anime des conférences chaque soir, sur des thèmes variés ayant trait à la lutte des classes.

Assis sous le chapiteau, Martin le regarde sévèrement, sentant la menace pesant sur son statut de leader du prolétariat sarladais. Bastien s’en moque : il ne veut pas sa place. Il est au-dessus de tout cela, maîtrisant la situation et ayant les idées claires. Il prend sa Clio 2 et rentre chez lui. L’avenue Thiers est embouteillée, on dirait que les Sarladais ont une frénésie de courses. Marie est à la maison. Les enfants sont à l’école.

« Comment vas-tu, ma chérie », dit Bastien en s’asseyant à côté d’elle. « Ça va », répond-elle sans le regarder, absorbée par un talk-show qui a pour thème : « Mon mari est toxique. Comment faire ? » Bastien fait la moue. « Pourquoi tu regardes ça ? Pour me provoquer, c’est cela ?

— Ho, c’est bon, arrête de tout prendre pour toi, j’essaye de me détendre là. » Bastien a beau avoir présenté ses excuses pour son agression le jour de la mort de Maurin, sa femme n’a pas digéré. Bastien a envie de faire un câlin. Il pose sa large main sur la cuisse de sa femme… « Arrête Bastien ! Je n’ai pas envie de cela, maintenant…

— Oh, c’est bon… j’ai envie, ça va être sympa. » Il se serre à sa femme, remonte sa main doucement et caresse sa poitrine. Elle le repousse, sans quitter des yeux son écran. « Arrête, c’est bon Bastien !

— Chérie, je suis sous pression, j’ai besoin de me détendre… Allez… Je te ferai un bœuf bourguignon et une tarte aux fraises… Allez…

— Prends un Lexomil si tu veux te détendre ! Lâche-moi, j’ai mal à la tête.

— Un Lexomil ! Salope ! Tu es ma femme ou pas ?! » Bastien la repousse violemment, elle se retrouve contre le mur. « J’en ai marre, j’en ai marre ! » Sa femme ne dit rien. Elle se lève et part vers la chambre, claquant la porte. Bastien se précipite derrière elle. La porte est fermée. Alors, il crie : « Tu fais chier, Marie ! Si tu m’aimes plus, t’as qu’à me quitter ! À quoi ça sert qu’on soit un couple si on fait pas l’amour ! »


 

Tag(s) : #Roman, #Feuilleton
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :