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Grande Comore - Notable. 1950. Carte postale. IHOI

Grande Comore - Notable. 1950. Carte postale. IHOI

Douzième extrait de mon livre Où va La Réunion ?

 

Après cette prise de recul salutaire, revenons à notre île. Selon une étude de Sébastien Merceron, de l’Insee, parue en 2017, « au 1er janvier 2050, 1,071 million de personnes habiteraient à La Réunion si les tendances démographiques récentes se prolongeaient. La population de La Réunion dépasserait le million d’habitants dès 2037. La croissance démographique diminuerait au fil des années du fait d’un solde naturel de moins en moins excédentaire : le nombre de décès doublerait entre 2013 et 2050, tandis que les naissances seraient stables. »

 

« Le vieillissement de la population serait prononcé, en lien avec l’allongement de la durée de vie des Réunionnais. Un quart des habitants auraient 60 ans ou plus en 2050, une proportion deux fois supérieure à celle de 2013. Le nombre de seniors rattraperait même pour la première fois celui des jeunes de moins de 20 ans. L’effectif des personnes âgées de 75 ans ou plus, encore très faible actuellement à La Réunion, serait multiplié par quatre. Cette augmentation du nombre de personnes âgées soulève de nouveaux défis pour répondre aux besoins liés notamment à la perte d’autonomie. »

 

« Dans l’hypothèse où les comportements de changement de résidence principale observés actuellement se prolongeraient jusqu’en 2050, la population augmenterait dans toutes les microrégions, à des rythmes différents. » Ces considérations faites, plusieurs éléments : selon les Nations Unies, la population africaine passera d’1,22 milliard en 2016 à 2,4 milliards en 2050. La population d’Asie passera de 4,561 milliards en 2018 à 5,29 milliards en 2050.

 

En tout, les deux espaces à côté de La Réunion passeront donc de 5,781 à 7,69 milliards d’habitants. La Réunion évoluera elle de 865 000 en 2020 à, donc, 1,071 million en 2050. On voit que l’augmentation de la population sera bien plus élevée en Afrique et dans une moindre mesure en Asie que dans le département français. Le pourcentage de la population locale par rapport à celle des deux continents va donc passer de 0,015 % à 0,014 %. Croit-on sérieusement que cette diminution de 0,001 point, certes infime au regard des masses humaines en jeu, n’aura aucun impact sur la population et la vie de l’île Bourbon ?

 

A moins de faire de La Réunion une forteresse infranchissable ou un lieu infernal où personne n’aurait envie de migrer… Plus rationnellement, chacun sait que l’Afrique et l’Asie accueillent des civilisations différentes : civilisation subsaharienne, musulmane, occidentale, hindou, chinoise… Or, malgré ce qu’ont pu penser certains Occidentaux enclins à « civiliser », c’est-à-dire à occidentaliser et déculturer d’autres ethnies, les individus restent globalement enracinés dans leur civilisation. Il n’y a pas une civilisation et des primitifs, mais des civilisations, qui sont différentes.

 

Mais la civilisation occidentale ne peut se prévaloir d’une quelconque supériorité, hormis peut-être, ce qui est notable, sur le développement de l’industrie et de la production scientifique constatée depuis deux siècles. Mais vu les exactions, les guerres, les violences aux populations réalisées depuis la découverte des Amériques par Colomb, on peut se demander si le jeu en valait la chandelle.

 

Mais soit, il n’est plus temps de se le demander, ce qui est fait est fait, il s’agit à présent de voir comment vivre en harmonie, ensemble, par-delà les différences de civilisation. Dans son livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order qui a tant fait polémique, Huntington a parlé de neuf principales civilisations : l’Occident, l’Orthodoxie, l’Islam, le bouddhisme, l’hindouisme, l’Afrique, l’Amérique du Sud, la Chine et le Japon.

 

La Réunion est soumise depuis très longtemps à la civilisation occidentale, fondatrice du peuplement permanent au XVIIe siècle, à l’africaine, à l’hindouiste, à la chinoise et à la musulmane, chacune s’entremêlant et créant des métissages suivant l’origine des migrants. Ainsi les Malgaches ne sont évidemment pas réductibles à la civilisation africaine ou bouddhiste, évidemment. L’islam, l’Afrique et l’hindouisme connaissent et vont connaître une croissance démographique bien plus grande que la civilisation principale à La Réunion, l’Occident, celle de la France.

 

Outre cette croissance démographique, elles devraient aussi avoir une croissance économique bien supérieure à celle de l’Occident. Avec ou sans révolutions, il va y avoir un rattrapage plus ou moins lent. Ceci sans préjuger de la question sociale, de la question de la lutte entre les classes sociales. C’est un fait social irréfutable pardelà les idéologies. Un phénomène susceptible d’influencer largement la vie et l’histoire des régions et des Etats.

 

Après tous ces éléments, il faut prévenir les conservateurs, ceux qui rêvent de La Réunion lontan : l’île va beaucoup changer. Encore et encore. Hélas, si l’État n’organise pas harmonieusement cette vie publique, s’il ne permet pas que chaque groupe social soit prospère, cette vie pourrait devenir encore plus infernale à l’avenir et pour de plus en plus de gens. Car les grands enjeux sont et resteront les mêmes : tant que l’on est dans le capitalisme, la grande majorité de la population sont des prolétaires, c’est-à-dire des travailleurs dépourvus d’entreprises et qui doivent trouver un emploi pour payer leur alimentation, leur logement, leur loisir, etc, et ceux de leurs proches.

 

La plupart des emplois sont des emplois salariés, rares étant ceux pouvant vivre avec une micro-entreprise. Hélas, nous allons le voir ensuite, il n’y a pas assez d’emplois par rapport à la population qui veut travailler. Cela donne le chômage et tous les problèmes qui en découlent. Cette souffrance du chômage, de la peur du lendemain et de la précarité est vécue avec dignité avec des centaines de milliers de Réunionnais.

 

Ils subissent une telle situation, se battent pour trouver un emploi, sans se révolter, sauf à de rares moments. Ils s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants. Conditionner les revenus de l’aide sociale (RSA) à un travail ? Ce serait simplement le moyen de baisser le coût du travail, car les gens préféreraient tout simplement avoir un emploi stable. Et pour les mères de familles isolées, il faut développer bien davantage de services publics pour leur permettre de travailler et de faire garder leurs enfants.

 

Aujourd’hui, il y a un phénomène massif : le départ des jeunes Réunionnais vers la métropole. Il est similaire à celui qui a lieu à Mayotte, vers la métropole et, un peu, La Réunion. Comme je l’ai expliqué dans un article le 25 février 2022, entre 2015 et 2019, le nombre de déménagements hors de l’île a été plus important que lors de la période précédente, comme les arrivées d’ailleurs. Mais la différence entre le nombre de départs et d’arrivées (déficit migratoire) s’est creusée : de - 1 200 par an entre 2010 et 2014, il est passé à - 1 800 entre 2015 et 2019. Les 18/24 ans sont plus nombreux à partir loin.

 

La mobilité reste importante entre 30 et 39 ans, mais avant tout pour de courtes distances. Puis, avec l’âge, il y a de moins en moins de déplacements. Globalement, il y a un peu plus de départs que d’arrivées (12 600 contre 10 800), mais « le solde migratoire est négatif seulement chez les 18/24 ans ». De nombreux étudiants entre 18 et 24 ans partent après le baccalauréat poursuivre leurs études. Ces étudiants sont aussi mobiles que ceux vivant dans l’Hexagone, mais un peu moins que les autres ultramarins. Dans la catégorie des 25/29 ans, il y a davantage d’arrivées que de départs. Dans les classes d’âge supérieures, cela s’équilibre.

 

Les natifs de La Réunion sont relativement peu mobiles. Sur les 12 600 départs par an, 5 500 impliquent des natifs. Idem pour les arrivées (3 100 sur 10 800). Avec un taux de chômage, notamment des jeunes, plus élevés qu’en métropole, il n’est pas étonnant que les migrations vers l’Hexagone concernent avant tout la catégorie des 18/24 ans. De même, de nombreuses formations n’existent pas dans l’île, forçant ceux qui veulent s’engager dans un certain domaine à s’expatrier. Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas tant de flux que cela entre les deux départements français du sud-ouest de l’océan Indien. Il y a 550 arrivées pour autant de départs vers l’île au lagon, chaque année.

 

« La moitié des arrivants sont nés à Mayotte, analyse M. Seguin, de l’Insee. La moitié des arrivants ont moins de 18 ans. » Ils viennent avant tout pour faire leurs études ou terminer leur formation, face à un système éducatif mahorais considéré comme moins conforme aux standards occidentaux par rapport à La Réunion. 1 500 personnes arrivent de l’étranger chaque année. 60 % d’entre elles sont nées à l’étranger. Sur ces 900, un peu moins de la moitié est native de Madagascar. Ceux nés à Maurice ou en Union des Comores sont quelques dizaines par an.

Tag(s) : #OVR, #Réunion
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