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Les salariés ont affiché des banderoles sur les grilles de l’établissement  pour exprimer leur mécontentement	(Photos GB)

Les salariés ont affiché des banderoles sur les grilles de l’établissement pour exprimer leur mécontentement (Photos GB)

Paru dans L'Essor Sarladais en juillet 2011.

 

France-Tabac : entre 24 et 50 licenciements

 

La direction de France-Tabac (FT) a annoncé la semaine dernière un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à l’usine de Sarlat. Il porte sur 50 emplois, sur les 106 permanents que compte l’unité de première transformation. Plus précisément, il y aura tout d’abord 24 licenciements secs. En plus, 18 personnes vont se voir proposer un reclassement interne (temps partiel de 80 %). Enfin, 8 autres salariés vont recevoir une proposition de déclassement : ils devront accepter un poste moins qualifié, avec un salaire moins élevé. “ Nous allons proposer des départs volontaires. En fonction des réponses, nous verrons ”, explique Eric Tabanou, nouveau directeur de l’usine FT depuis quelques mois. Selon les décisions des salariés, le nombre de licenciements pourrait donc aller de 24 à 50. “ L’objectif est d’arriver à une trentaine ”, annonce le directeur, qui précise que la liste nominative définitive sera connue en août.

 

Les personnels visés par le plan social recevront un courrier à la fin du mois de juillet. Il s’agira principalement de personnels de la production, mais tous les services devraient être touchés. Une réunion du comité d’entreprise est prévue ce jeudi 30 juin pour peaufiner ce PSE. Quant aux inspecteurs du travail de la Direccte, ils devront dire, le 21 juillet, s’ils entérinent ou non ce plan.

 

A noter aussi que, depuis août 2010, FT s’est déjà séparé de personnels du siège administratif à Paris. Six personnes ont été ou vont être licenciées, sur un effectif de 14.

 

La PAC en cause.

Cette saignée dans les effectifs de l’entreprise est la conséquence de la réforme progressive de la Politique agricole commune (PAC), ces dernières années, qui a mis au plus mal la seule usine de première transformation du tabac en France. Ainsi, FT se retrouve avec un déficit de plus de 11 millions d’euros (ME) dans les caisses, au 30 juin.

 

Créée pour assurer la sécurité alimentaire des Européens, la PAC subventionne les producteurs agricoles qui, sans elle, seraient incapables de tirer un revenu par la simple vente de leurs marchandises. Par exemple, le prix commercial du tabac ne couvre même pas la moitié de son coût de production. Et même avec ces aides, depuis des dizaines d’années, la majorité des producteurs a disparu.

 

A partir de 2006, l’Union des dix coopératives françaises de tabac (UCAPT) a tout d’abord dû faire face à la première phase de la réforme des aides PAC versées aux quelque 2 200 producteurs français de tabac*. Ensuite, à partir de 2010, les tabaculteurs ont dit adieu à 40 ME supplémentaires**.

 

Le président de FT, l’Alsacien Rémy Losser, a dû faire des choix : l’an dernier, il a demandé et obtenu des clients de FT*** qu’ils augmentent le prix d’achat du tabac, entre 30 et 35 % selon la variété. Cela a rapporté 16 ME. En faisant, en plus, des efforts au niveau de la filière notamment, l’entreprise a réussi à économiser au total 28 ME. D’où cette demande d’une aide de 12 Mm minimum pour parvenir à compenser les 40 ME d’aides PAC disparus. Le problème, c’est que la crise agricole ne touche pas uniquement les producteurs de tabac.

 

Et le fromage du budget PAC est trop petit pour tous les convives. Depuis 2008, le ministère de l’Agriculture a eu à prendre en compte des revendications émanant de multiples secteurs agricoles aux revenus en berne : éleveurs bovins, laitiers, céréaliers, et aussi bien sûr tabaculteurs (qui ont manifesté le 3 novembre 2010 à Paris)... Entre autres. L’état a fait ses choix.

 

En novembre 2010, le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire a pris l’engagement de verser 12 ME par an à l’UCAPT jusqu’en 2013... Mais, après avoir perçu seulement 1,4 ME en 2010, la profession n’a pas encore reçu le moindre centime cette année. Ne voyant rien venir, les tabaculteurs ont réduit les surfaces d’implantation. “ Mais nous constatons un maintien de l’atelier tabac dans les exploitations, souligne Eric Tabanou. Preuve que les producteurs croient dans l’avenir de la filière. Et nous les encourageons dans cette voie ! ” Toutefois, cette réduction de la surface agricole consacrée au tabac a occasionné une baisse du tonnage travaillé à l’usine de Sarlat : 10 000 tonnes seulement devraient être traitées en 2011, contre 13 000 l’an passé, dans une unité qui peut traiter jusqu’à 24 000 t/an.

 

Les responsables de FT déclarent être en contact constant avec le ministère. Mais celui-ci est passé maître dans l’art de faire attendre. “ On nous a promis les 12 ME... Maintenant, nous n’en sommes plus qu’à 8,3 millions... ”, décrit Eric Tabanou. De plus, cette somme pourrait ne parvenir aux coopératives tabacoles qu’à la fin 2012. Et ce pourrait être non des aides mais des avances à rembourser.

 

FT a donc été réduit à cette grave décision : face à la baisse de la quantité de tabac traitée à l’usine, avec un déficit de plusieurs millions, elle a décidé de licencier des salariés. Une cellule de reclassement va être mise en place pour les aider dans leur reconversion professionnelle.

 

Mais la problème n’est pas réglé pour autant. Si aucune solution n’est trouvée, la vie même de l’usine est menacée à court terme. Ce serait alors la fin d’une institution du Sarladais.

 

Guillem Boyer

* Ils sont répartis sur 55 départements.

** En effet, l’état français a décidé de réallouer certaines aides européennes aux filières agricoles de son choix : c’est permis par l’article 68 du règlement CE de l’Union européenne du 31 janvier 2009.

*** Imperial Tobacco est le premier client de France Tabac avec 70 % de la production achetée.

Le président Rémy Losser est venu rencontrer les salariés de l’usine de Sarlat vendredi 24 juin (2011)

Le président Rémy Losser est venu rencontrer les salariés de l’usine de Sarlat vendredi 24 juin (2011)

“ Les pouvoirs publics doivent être aussi dignes que les salariés de l’usine ”

“ L’Etat s’engraisse sur le tabac et affame les salariés et producteurs. ” Employé depuis longtemps à France-Tabac, Eric Tabanou est devenu directeur de l’usine il y a quelques mois. Il fait sien le slogan inscrit sur les banderoles accrochées à l’entrée de l’établissement par les travailleurs. Il voit dans ces licenciements la conséquence de la libéralisation de la PAC. “ Le marché doit réguler... Nous voyons ce que cela donne. ”

 

Le directeur souhaite féliciter le personnel. “ Je leur tire un grand coup de chapeau. Ils ont eu beaucoup de dignité. Ils ont continué de travailler et fait preuve d’un grand professionnalisme. Les pouvoirs publics doivent respecter leurs engagements et aider la filière. Ils doivent être aussi dignes que les salariés, qui sont aussi des électeurs. ”

 

Le directeur pointe les 8 à 10 000 emplois induits dans la filière. “ D’ores et déjà entre 800 et 1 000 saisonniers vont être touchés dans toute la France. ”

GB

Le secrétaire général UFPT-CGT dénonce la gestion

 

“ Avec une gestion volontaire, cette issue aurait pu être évitée. ” Le syndicat UFPT-CGT* ne voit pas exactement ce qui se passe de la même manière que la direction. S’il ne nie pas que les causes fondamentales de la situation sont à chercher dans la politique agricole menée par la France et l’Union européenne depuis des années, Eric Comparot, secrétaire général du syndicat, considère qu’il était aussi du rôle des dirigeants de France-Tabac (FT) de développer des voies nouvelles pour la production.

 

De plus, le syndicat dénonce la manière dont se sont passés les licenciements. Selon la CGT, des problèmes de personnes, au sein de FT, auraient conduit à privilégier le maintien de postes à l’usine de Sarlat au détriment des salariés du siège parisien.

 

Enfin, le syndicat décrit une atmosphère peu chaleureuse à FT. Entre les agriculteurs et les salariés, ce qu’on pourrait appeler un “ fossé de classe ” existerait. “ Pour le président Losser, qui est agriculteur, les salariés ne servent pas à grand chose. Et ceux de Paris encore moins ”, décrit un membre du syndicat.

GB

*Union fédérale des personnels du tabac, membre de la Fédération agroalimentaire CGT.

Nous n’avons pas réussi à joindre le délégué syndical CGT de l’usine de Sarlat.

2011

2011

L’hypocrisie de la campagne antitabac

 

Eric Comparot, secrétaire général de la CGT Tabac, rejoint sur ce point le directeur de l’usine de Sarlat, Eric Tabanou. La campagne antitabac menée par les pouvoirs publics depuis des années, si elle peut se comprendre sur le fond, ne devrait pas leur donner le droit d’abandonner la filière.

 

Le syndicaliste comme le directeur parlent “ d’hypocrisie ”. Dans ce marché, les prix sont fixés par l’Etat. Celui-ci empoche de juteuses recettes fiscales, chaque année, grâce à la vente de tabac (13 milliards d’euros en 2010). Et ce alors que les bénéfices des géants du tabac, Philip Morris, Imperial Tobacco et British American Tobacco notamment, sont en hausse.

 

“ A la base, le tabac en France était national. Cela permettait le contrôle. Or l’activité tabac dans le pays se réduit chaque jour un peu plus, décrit le syndicaliste, employé à Imperial Tobacco (ex-Altadis). Si cela continue ainsi, toute la production va se retrouver à l’étranger. La qualité des produits sera bien moins contrôlée. Des OGM sont par exemple probablement déjà présents dans les cigarettes vendues en France. ” Selon lui, la qualité du tabac est d’ores et déjà “ douteuse ” dans les cigarettes vendues en France, aujourd’hui.

 

La CGT souhaiterait que des moyens soient donnés à la recherche, afin, par exemple, de rendre le tabac moins nocif. Or, c’est l’opposé qui se passe actuellement. Le syndicat revendique une “ véritable politique de santé publique ”, qui “ doit s’appuyer sur une maîtrise nationale de la production et de la transformation du tabac et sur une politique de recherche et développement qui ne soit pas soumise aux intérêts capitalistes des fabricants dont l’objectif est essentiellement tourné vers des recherches renforçant l’addiction au tabac pour toujours plus de profits ”.

GB

Tag(s) : #Retour sur l'info, #Sarlat-La Canéda, #Agriculture, #économie
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